La corruption, tant dans ses dimensions morales qu’économiques, est un problème mondial qui nécessite de nouvelles réglementations pour garantir la transparence dans les interactions entre le pouvoir politique et le secteur privé aux niveaux national et international.
La corruption est un phénomène clandestin pouvant être définie comme un comportement où une personne appelée « corrompue » accepte d’accomplir, d’omettre ou de retarder un acte en échange d’avantages quelconques qui peuvent se traduire en argent, présent ou d’une promesse en usant de ses fonctions au sein d’une hiérarchie (Lafay, 2016). On distingue généralement deux types de corruption : la première implique une relation asymétrique et contraignante où le « corrupteur » se trouve dans une position avantageuse et est en mesure d’obtenir du « corrompu » un avantage. Le deuxième type implique un échange réciproque impliquant un gain pour les deux parties. On retrouve divers degrés de corruption. En effet, il existe la corruption « micro » qui se diffuse à travers une banalisation de pratiques douteuses telles que les compétitions sportives truquées. A l’échelle internationale, on parlera davantage d’une « macro-corruption » qui agit par le biais du commerce international.
De plus, les contours de la corruption peuvent être flous. Il est donc avant tout nécessaire de bien distinguer la corruption d’autres pratiques comme l’extorsion. En effet, si l’extorsion repose principalement sur la menace, la corruption se caractérise par l’aspect volontaire de l’accord par les deux parties. Il est également important de souligner que la corruption est un phénomène qui gangrène l’économie mondiale. En effet, selon une estimation déjà ancienne de la Banque mondiale, on compterait plus de mille milliards de dollars de pots-de-vin par an à travers le monde. (Cabin, 2000)
En science politique, la définition de ce terme a notamment suscité la controverse suivante. Si, de manière générale, la corruption est définie comme une « perversion », elle relève davantage d’une évaluation morale que d’une analyse politique. Nye suggère alors une définition plus restreinte en décrivant la corruption comme « le comportement qui s’écarte des obligations formelles inhérentes à une fonction publique pour en tirer un avantage privé, en termes d’argent ou de statut ; ou qui enfreint des règles interdisant l’exercice de certains types d’influences de nature privée ». (Nye, 1967). Cependant, cette définition rend difficile l’identification de comportements spécifiques qui peuvent être comparés entre les pays. La définition de Nye permet de désigner des comportements qualifiés de corrompus par les normes occidentales. Néanmoins, cette définition a quelques limites. En effet, elle se distance d’une vision moraliste et n’est pas exhaustive quant aux comportements qu’elle considère comme corruptifs tels que les pots-de-vin, le népotisme et les appropriations illicites de biens. De plus, il paraît nécessaire d’avoir une approche davantage actuelle quant à cette définition, même si celle de Nye demeure une référence classique. Depuis une vingtaine d’années, la question de la « corruption politique » émerge en mettant en avant des dénonciations régulières concernant des scandales politiques, et contrairement à Nye, c’est la dimension moraliste et démocratique qui est soulignée.
Juridiquement, la plupart des pays réprimandent pénalement la corruption au niveau de la législation nationale. De surcroît, il existe des conventions internationales qui luttent contre ce comportement comme la « Convention des Nations Unies contre la corruption » ratifiée par 188 pays, mais également la « Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales » ratifiée par 41 pays et finalement la « Convention pénale et protocole additionnel du Conseil de l’Europe sur la corruption » ratifiée par 44 pays. En Amérique latine, l’Organisation des États américains a créé la « Convention interaméricaine contre la corruption » ratifiée par tous les pays excepté Cuba. De plus, depuis plus de 25 ans, l’organisation non-gouvernementale internationale Transparency International lutte activement contre la corruption et publie régulièrement des indices qui permettent d’évaluer le taux de corruption dans chaque pays. L’Organisation des Nations Unis contre la drogue et le crime (2004) a également lancé le Programme mondial de lutte contre la corruption où différents instruments sont présentés et expliqués afin de lutter contre ces abus de manière efficace.
Nombreux sont les auteurs de relations internationales à s’être intéressés à la sphère économique de la corruption comme Joseph Nye qui a appliqué des outils théoriques d’autres domaines comme les analyses coûts-bénéfices classiques. L’analyse coûts-bénéfices peut se traduire par la question suivant : la pratique apporte-t-elle plus de bénéfices que son coût d’actio ? Dans une logique similaire, Susan Rose-Ackerman explique la corruption en se basant sur la théorie économique du crime de Gary Becker pour considérer que commettre un crime est similaire à une décision rationnelle (Caro, 1981). Cependant, Gordon Tullock a été le premier à voir dans la corruption plutôt comme une recherche de rente. Le principe commun est qu’il existe une recherche de rente favorisée par la manipulation artificielle ou en profitant de l’exploitation du système politique et économique (Lafay, 2016). L’économie politique internationale permet d’appréhender l’étude de la corruption. En effet, outre sa présence à l’échelle interpersonnelle, la corruption est présente à l’échelle globale, de par le commerce international et les intérêts qui en découlent. Si elle est pratiquée dans le secteur marchand, la corruption est également présente dans la sphère politique, autrement dit, le secteur public lui-même en charge de veiller à l’application des lois. C’est pourquoi l’étude de l’efficacité des conventions internationales et des cadres légaux ainsi que l’étude des dialogues entre une diversité d’acteurs transnationaux constitue une approche interdisciplinaire capable de rendre compte des enjeux et des implications des pratiques corruptives. Le cas du scandale de la FIFA en 2015 où sept dirigeants ont attribué des coupes du monde frauduleusement à certains pays démontrent ainsi la présence internationale de la corruption. De surcroît, cette affaire a engendré une coopération juridique internationale entre les pays concernés. En effet, le Ministère Public de la Confédération a conjointement enquêté sur les dirigeants de la FIFA avec le FBI. La lutte contre la corruption est donc un enjeu global qui mobilise une coalition internationale.
Références
Cabin, P. (2000). Les rouages de la corruption. Sciences Humaines, 109(10), 20–20.
Caro, J. (1981). La théorie économique du crime. Sociologie du travail, 23(1): 122–128.
Lafay, J-D. (2016). L’économie politique de la corruption : aperçu analytique. Revue internationale et stratégique, 101(1), 91–99.
Nations Unies. (2004). Programme mondial contre la corruption. Vienne: Office contre la drogue et le crime. Accessed in: https://www.unodc.org/pdf/9dec04/general_f.pdf
Nations Unies. (1997). Convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (RS 0.311.21).
Nations Unies. (2003). Convention des Nations Unies contre la corruption (RS 0.311.56). Nye, J. (1967). Corruption and political development: a cost-benefit analysis. The American Political Science Review, 61(2), 417-427.
Luis Fernando Cruz Araujo
Kenza Kebaili
María Valentina Leal Torres
Caroline Lot
Laura Ponce
Publié en 2021
Les textes sont mis à disposition selon les termes de la Creative Commons Non-Commercial License.