La pollution maritime est un enjeu environnemental trop souvent négligé. Que ce soit en lien avec la faune maritime ou la flore, les effets de la pollution se mesurent jusque dans le fond de nos océans, lacs et rivières et en déstabilisent profondément les écosystèmes.

La pollution maritime est au cœur des débats internationaux contemporains et englobe des enjeux politique, économique, mais aussi en lien avec le droit pénal. Lors d’une conférence mondiale en 1972 tenue à Stockholm, il a été défini que les États doivent prendre toutes les mesures possibles pour prévenir la pollution des mers [par des substances qui peuvent mettre en danger la santé de l’homme, nuire aux ressources biologiques et à la vie des organismes] (Kiss et Sicault 1972), en cas de non-respect de cette clause, les Etats encourent une peine judiciaire puisque le droit pénal a hissé la préservation de la mer au rang de valeur pénalement protégée (Monteiro 2010).

Chaque année, ce sont 8 millions de tonnes de produits divers qui polluent les eaux mondiales. La pollution accidentelle, c’est-à-dire celle qui émane de naufrages de navires, ne représente que 2, 5 % de la pollution marine totale. Pour le reste, ce ne sont pas seulement des hydrocarbures mais une large gamme de détergents, de produits chimiques et d’huiles diverses qui polluent presqu’en toute légalité au-delà des Zones Économiques Exclusives puisque l’on peut procéder à des rejets dans les mers ouvertes à condition de ne pas outrepasser certaines normes. La faune maritime est alors exposée à des taux de pollution nocifs et les espèces se retrouvent asphyxiées (Buchet 2009). En fait, la quantité de déchets solides non-biodégradables qui flottent aujourd’hui dans les mers est exorbitante, des “îles plastiques” se sont formées, et la plus grande est -ironiquement- connue comme le “septième continent”, situé en face de l’océan Pacifique.

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Nonobstant ce qui précède, la pollution maritime ainsi que sa législation sur le plan international sont des thématiques complexes, notamment à cause de la distribution inégale des ressources, de l’ordre des priorités et des responsabilités étatiques. (Lebel 2009). Les processus politiques concernant les réglementations pénales de la pollution maritime suivent de très longues procédures et mettent en place trois forme de régulations : la prévention, la remédiation, et l’examen des pouvoirs juridictionnels de standards de contrôle de la pollution maritime internationale. Le problème majeur repose sur le fait que les États n’ont pas accès aux mêmes ressources, ont des intérêts différents et ne constituent ainsi pas un front commun en parlant de gouvernance internationale. Ainsi “le système est une source de conflit puisque les pays développés et en voie de développement ne parviennent pas à s’accorder sur les priorités ni à établir un consensus” (Lebel 2009 :243).

Avec l’apparition de nouveaux défis globaux, il est temps de se demander si la structure traditionnelle internationale d’États-nations pensée par les réalistes est en mesure de répondre à ces nouvelles urgences écologiques. Les États ne peuvent plus être envisagés comme des acteurs unitaires mais comme des acteurs transnationaux aux côtés desquels se tiennent dorénavant des acteurs non-gouvernementaux et des acteurs privés dont les intérêts font partie intégrante des enjeux internationaux. Les problèmes environnementaux doivent alors être encadrés par une organisation internationale qui s’envisage comme le résultat des relations et la collaboration entre les groupes intergouvernementaux et trans-gouvernementaux ainsi que d’institutions. Les relations diplomatiques deviennent alors de potentielles coalitions qui sont les seules à pouvoir créer des lois internationales spécifiques (M’Gonigle et Zacher 1981).

La pollution maritime devient alors un problème qui touche à la fois les collectivités locales et la société mondiale, de par le fait qu’elle concerne autant les grandes sociétés que de nombreux autres acteurs non-gouvernementaux ; c’est pourquoi la recherche d’une solution viable nécessite une série de politiques et de pratiques à tous niveaux. En ce sens, la gouvernance globale représente un défi pour répondre efficacement aux problèmes de la pollution marine (Chang, 2012). En outre, les acteurs non-étatiques ont plus qu’un rôle d’observateur, car ils participent activement à la supervision et à la mise en œuvre des mesures qui doivent être appliquées. Cette multiplicité d’acteurs, des organisations de la société civile environnementale aux sociétés pétrolières, génère un amalgame d’intérêts divers (Bäckstrand et al., 2017).

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Afin de mieux comprendre le rôle joué par les différents acteurs impliqués dans la pollution des océans, on peut se référer aux enjeux de la gouvernance environnementale mondiale (Newell, 2012 : 34-59). Cette manière de problématiser la pollution des océans amène l’idée que les États ou les organisations environnementales sont les plus à même d’être responsables des soins et de la législation de l’environnement. Cependant de grandes entreprises peuvent présenter une menace pour les initiatives politiques environnementales. De ce fait, un véritable changement dans la gestion de question comme la pollution maritime, nécessite la collaboration de tous les acteurs de l’économie mondiale. L’approche de l’économie politique est alors mise en avant pour aborder les problèmes environnementaux, qui doivent de ce fait être transnationaux et capables d’explorer les dynamiques qui traversent les États, prenant en considération les entreprises. La proposition de Newell révèle les liens inexorables qui existent entre l’État et la gouvernance de l’environnement, d’une part, et l’organisation de l’économie politique mondiale, d’autre part.

En octobre 2018, 250 organisations signent l’Engagement mondial pour une nouvelle économie des plastiques. Cette déclaration est soutenue par Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le WWF et le Forum économique mondial. L’objectif de ce comité est de créer une nouvelle norme de la production et de la gestion des emballages plastiques [à usage unique], il est alors nécessaire que les grandes entreprises, ainsi que les petits entrepreneurs, s’engagent à abandonner le statu quo de la production de plastique. Si les plastiques à usage unique subissent des législations, ce ne sont pas les seuls, de nombreuses conférences se tiennent dans le but d’allier organisations et réseaux afin de progresser dans la réglementation de nombreux polluants tels que les débris dits solides, les gaz produits par le navigation commerciale et industrielle des bateaux, le forage et l’extraction de pétrole, la surpêche, etc. (ONU, 2018 ; Schnurr et al. 2019).

La volonté politique et/ou l’engagement de la société civile sont insuffisants pour lutter contre la pollution maritime. Il est nécessaire que les États, les grandes entreprises, ainsi que les petits entrepreneurs, s’engagent à abandonner l’approche du statu quo à l’égard de la production de plastique, principale menace à la survie de l’environnement marin.

Références

Bäckstrand, K., Kuyper, J. W., Linnér, B-J,. Lövbrand, E. (2017). Non-state actors in global climate governance: from Copenhagen to Paris and beyond. Environmental Politics, 26(4), 561–579.

Buchet, C. (2009). Les mers : un infini fragilisé. Transversalités, 109(1), 19-25.

Chang, Y-C. Ocean Governance: A Way Forward. Dordrecht: Springer.

Kiss, A., & Sicault, J-D. (1972). La Conférence des Nations Unies sur l’environnement (Stockholm, 5/16 juin 1972). Annuaire français de droit international, 18(1), 603-628.

Lebel, D. (2009). Une gouvernance internationale de l’environnement en crise ? Regards croisés sur l’économie, 6(2), 242-245.

Mgonigle, R. M., & Zacher, M. W. (1981). Pollution, Politics, and International Law: Tankers at Sea. Oakland: University of California Press.

Monteiro, E. (2010). Le renforcement de la responsabilité pénale en matière de pollution maritime. VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors-série 8.

Newell, P. (2012). Globalization and the Environment: Capitalism, Ecology and Power. Oxford: Blackwell.

ONU (2018). Principales productores de plástico firman acuerdo global contra la contaminación. Programa de las Naciones Unidas para el Medio Ambiente. Accessed : https://www.unenvironment.org/es/noticias-y-reportajes/comunicado-de-prensa/principales-productores-de-plastico-firman-acuerdo

Schnurr, R. E., Alboiu, V., Chaudhary, M., et al. (2018). Reducing marine pollution from single-use plastics (SUPs): A review. Marine pollution bulletin 137, 157-171.


Jessica Klötzli

Özlem Ince

Alexandra Pérez

Catalina Sánchez Montoya

Milena Sarralde

Matthieu Volet

beenhere

Publié en 2021

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