Filmer les rites
REFERENCES DU PROJET
- FTSR
- 2010
- Francis Mobio (Chargé de cours) Silvia Mancini (Professeure)
- Jean-Francois Van de Poël (Coordination RISET pour FTSR), +41 21 692 38 02
FICHE PEDAGOGIQUE
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La spécialité « Traditions religieuses marginalisées et transversales » porte sur les formes magico-religieuses des subcultures européennes et des civilisations extra-européennes traditionnelles, ainsi que sur les courants ésotériques occidentaux modernes. Elle a pour objet d’étudier des conceptions, institutions et pratiques ne relevant pas directement des grandes religions instituées. Enseignée dans le cadre du Master, cette spécialité doit faire face à un enjeu de taille : verbaliser et restituer la dimension de la ritualité relevant du « sensible ». Comment rendre compte du langage du corps, de la danse, du chant, de la récitation de formules accompagnées par une mimique précise, des sons et des couleurs – si importants dans la production des états qui font l’objet du travail en classe (états de possession, de transe, d’extase, de dédoublement rituel de la personnalité, etc.) ? L’enseignement de la discipline est essentiellement théorique et conceptuel et passe par l’écrit. Même en lisant des textes davantage ethnographiques et descriptifs, d’auteurs au style narratif plus accessible, il est difficile de rendre compte de la nature « sensible » des objets d’études. Leur nature non-verbale (gestuelle sonore, corporelle, émotionnelle, etc.) réclame le recours à une modalité d’apprentissage audiovisuelle, capable de donner l’accès à leur multi-dimensionnalité expressive, et à leur nature sensorielle et émotionnelle. Cette multi-dimensionnalité, cette nature ‘sensible’, nécessite une approche dynamique, que le recours à la caméra rend possible. Dans le cadre du cours et du cursus, l’apprentissage audiovisuel répond à plusieurs besoins :
- Donner une dimension pratique à des questions théoriques abordées en cours
- Introduire l’utilisation de l’audiovisuel en tant qu’outil de recherche dans les sciences sociales
- Permettre aux étudiants d’acquérir les bases vers une autonomie dans la réalisation de documents audiovisuels
- Fournir des compétences davantage transférables au marché du travail par une production active des connaissances véhiculée par le maniement de l’outil audiovisuel
Afin de répondre à ces besoins entre autres, le projet se fixe les objectifs suivants :
- Cerner les problématiques épistémologiques soulevées par l’étude du rituel en anthropologie et en histoire des religions
- Repérer les enjeux épistémologiques d’une anthropologie audiovisuelle, et notamment réfléchir sur : Les différents modèles de narration en anthropologie audiovisuelle. – La mise en scène des rites compris dans leur nature d’institution « fictionnelle »
- Répertorier les différents modes de recueil des données et analyser leurs implications épistémologiques respectives dans les diverses productions filmiques tant documentaires que scientifiques
- Appréhender les nouvelles modalités formelles de rédaction du journal de terrain (vidéo, photographies et multimédia) et de la recherche ethnographique utilisant l’audiovisuel
- Permettre à l’étudiant-e de réaliser une recherche en anthropologie audiovisuelle et en assurer la diffusion
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Afin d’atteindre les objectifs exposés ci-dessus, l’usage de l’outil audiovisuel doit se faire à deux niveaux distincts. D’abord, comme support pédagogique afin d’attirer l’attention des étudiants sur tel ou tel aspect non verbal des séquences filmées des cérémonies, interactions, entretiens, ou tout simplement du flux de l’existence, lesquels nécessitent une analyse fine des logiques non verbales à l’œuvre. Ensuite, comme un dispositif que les étudiants devraient apprendre à manier pour produire eux-mêmes un travail d’enregistrement de la réalité spontanée, puis de découpage, recomposition et construction d’un objet scientifique final, qui réponde au questionnement initial de la recherche et qui prenne en compte la spécificité du régime expressif traité (la temporalité spécifique du rite ; les états émotifs des participants ; leur posture corporelle, etc.). Dans la pratique, le projet s’articule sous forme d’un cours « Filmer les rites 1: introduction à l’anthropologie symbolique par l’image » (semestre d’automne) et d’un atelier « Filmer les rites 2: atelier d’anthropologie visuelle » (semestre de printemps). Les deux enseignements sont actuellement donnés dans le cadre du Bachelor 2e partie et du Master. L’atelier se structure en cinq modules comprenant chacun plusieurs étapes.
Module 1 :
A) Présentation de l’atelier audiovisuel : objectifs et enjeux de l’utilisation de l’outil audio-visuel
B) Présentation générale du matériel et visite des sites de production et post-production
C) Initiation théorique au tournage : Prise en main du matériel, conseils pratiques
D) Atelier technique-pratique
Module 2 :
A) La pratique du tournage : Afin d’expérimenter le maniement de la caméra, les étudiants sont chargés de filmer un sujet de leur choix en rapport avec les thématiques du cours « Traditions transversales et marginalisées » et « Epistémologie des l’histoire des religions ».
B) Pratique de l’interview filmée
C) Initiation au montage : Visionnage des rushes, montage d’un sujet de 3 minutes
D) Interventions d’experts extérieurs (réalisateurs de films ethnographiques, anthropologues visuels)
Module 3 :
Stage de terrain (en 2009 : séjour à Lourdes en collaboration avec Laurent Amiotte Suchet, vidéo disponible à l’adresse suivante : http://www3.unil.ch/wpmu/filmerlesrites/video/)
A) Compte-rendu des observations sur le terrain, du repérage, planification des situations à filmer. Discussions en groupe
B) Filmer les situations repérées et sélectionnées. Réunion quotidienne pour commenter les situations rencontrées
Module 4 :
Post-production : montage des rushes
Module 5 :
Évaluation du travail et diffusion des documents
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L’emploi de l’outil audiovisuel permet de :
A) renforcer l’intérêt des étudiants pour une matière qui souvent s’avère excessivement dense, car traitée sous un mode critique et conceptuel
B) s’exprimer à travers un autre langage
C) réhabiliter les savoir-faire et les compétences, manuelles et techniques, que les sciences humaines et sociales ont trop longtemps laissés de côté
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De manière générale, le recours à l’outil technique peut servir à stimuler une réflexion sur l’outil lui-même, ainsi que sur la question de la construction d’un « artefact » scientifique. Le projet ici présenté peut être considéré comme un « tour d’essai » à une intégration méthodique de l’audiovisuel dans les activités des instituts de l’UNIL – et ce, tant au niveau de la pédagogie que de la recherche et de la valorisation de celle-ci. À terme, un enseignement théorique et pratique spécifique portant sur la captation vidéo des rituels aurait tout à fait sa place dans l’éventail de propositions offertes aux étudiants de l’UNIL et des Universités romandes, intéressés non seulement aux sciences des religions, mais aux sciences sociales plus généralement.
Un tel enseignement spécialisé pourrait, par exemple, être mis à contribution en tant que complément aux enseignements dispensés à l’UNIL en anthropologie, en sociologie ou en lettres – et plus particulièrement aux enseignements émanant de la section de cinéma. On pourrait donc envisager une collaboration interfaculataire ayant comme objectif le développement d’un pôle visuel (Les savoirs en images). Dans le futur, le projet pédagogique pourrait s’articuler, d’une part, avec une formation (successive ou simultanée) dans le domaine du Cinéma (ce qui ouvrirait les portes à une activité de réalisation et de production du « documentaire scientifique », qui de plus en plus est reconnu comme un genre à part entière); d’autre part, avec une formation dans le domaine du journalisme.
Le site du projet: http://wp.unil.ch/filmerlesrites/