(De)constructing Criminology

7 juillet 2016

Catégorie(s): Projets réalisés , Pratique réflexive

REFERENCES DU PROJET

Faculté: FDCA
Année: 2014
Personne(s) de contact: Manon Jendly (Cheffe de projet) Stéphanie Loup Lionel Grossrieder
Répondant: Romain Voisard (Ingénieur pédagogique ESC), +41 21 692 4647

PRESENTATION DU PROJET

Que ce soit lors des journée de présentation des Masters ou tout au long de leurs études de deuxième cycle, les étudiant-e-s et futurs étudiant-e-s en criminologie paraissent pétris de représentations erronées sur le crime, ses auteurs, ses victimes. Ces a priori puisent en partie leur source dans les séries télévisées qui portent sur ces thématiques et qui, depuis plusieurs décennies, saturent les paysages audiovisuels et virtuels.

Le projet (De)constructing Criminology (DcC) s’inscrit dans le cadre du cours « Criminologues et milieux d’intervention » donné en première année de Master. Son but est d’encourager la pratique réflexive des étudiant-e-s sur les trois « grandes questions » qui sous-tendent cet enseignement, à savoir:

qu’est-ce que la criminologie ?
qu’est-ce qu’un criminologue ?
quels sont les milieux d’intervention propres aux pratiques criminologiques ?

Ce projet repose sur l’étude de séquences télévisées soigneusement choisies en amont. Ces séquences sont d’abord analysées de façon individuelle, puis discutées collectivement dans le cadre de forums de confrontations constructives alimentés par des spécialistes de ces questions: professionnels de terrain, anciens étudiant-e-s ou chercheurs issus des disciplines auxquelles fait appel la criminologie.

FICHE PEDAGOGIQUE

POINT DE DEPART
Le cours « Criminologues et milieux d’intervention » est un cours obligatoire pour les étudiant-e-s en première année du Master en criminologie et sécurité. Le nombre d’étudiant-e-s inscrits ne cesse d’augmenter, alors même que la discipline demeure en quête de (re)connaissance au sein de la société civile. La criminologie n’étant dispensé qu’au deuxième cycle, certains étudiant-e-s rencontrent des difficultés pour assimiler en deux ans un bagage théorique et pratique leur permettant d’adopter une posture critique sur les enjeux, notamment éthiques, propres à leurs futurs interventions. II n’est ainsi pas rare que certains commencent seulement lors de la rédaction de leur travail de mémoire à déconstruire leurs idées préconçues sur la discipline et ses objets, ainsi que sur les besoins des milieux dans lesquels ils pourraient travailler.
Partant de ce constat, ce projet a pour ambition de rendre les étudiant-e-s plus attentifs aux enjeux entourant, d’une part, la construction des connaissances sur le crime, le criminel et les réactions sociales qu’ils suscitent, et, d’autre part, leurs interventions dans les milieux professionnels qu’ils sont susceptibles d’investir. Le projet s’appuie sur un exercice itératif de construction, déconstruction et co-reconstruction de leurs connaissances, alimenté par des échanges avec des professionnels des milieux d’intervention propres aux pratiques criminologiques. Le but est d’exercer les étudiant-e-s à maintenir une vigilance critique, non seulement face aux réponses contemporaines qui sont données au crime, mais également dans les rapports futurs qu’ils pourront nouer avec des milieux dont les caractéristiques ne sont pas anodines. En effet, ces milieux constituent pour la plupart des lieux où s’exerce la puissance publique (police, prison, probation, rétention administrative) et/ou se déploient des relations avec des justiciables en situation de contrainte ou de vulnérabilité (sociale, économique ou politique notamment) porteuses de préjudices.
Dans cette optique, ce projet poursuit quatre intentions pédagogiques:
- développer une réflexion épistémologique sur la criminologie, ses paradigmes, objets et démarches méthodologiques,
- analyser les posture et rôles sociaux des « criminologues » à travers le temps et l’espace,
- sensibiliser les étudiant-e-s aux spécificités, dynamiques et impératifs qui façonnent les milieux-types au sein desquels peuvent s’exercer les pratiques criminologiques,
- discuter des enjeux et contingences des milieux praticiens dans lesquels les étudiant-e-s seront susceptibles d’intervenir à l’issue de leurs études à l’aune de questions de société plus larges que suscitent les réactions contemporaines à la criminalité.

SOLUTION ET CONCEPTION DE LA SEQUENCE
Lors de nombreux échanges avec les étudiant-e-s, il est apparu que pour un certain nombre d’entre eux, les fictions télévisuelles avaient non seulement guidé leur choix d’opter pour le Master en criminologie et sécurité, mais continuaient à influer sur leur façon de penser et pratiquer la criminologie. Au vu de cela, le scénario pédagogique se propose de travailler directement sur le matériel « incriminé ». Il s’agit pour les étudiant-e-s et enseignant-e-s de décrypter des séquences tirées de séries télévisées, source d’idées fausses, fantasmes et intérêts divers pour la discipline. Le but est de mieux révéler les contextes de production des connaissances et des pratiques criminologiques, leurs usages et mauvais usages.
Concrètement, le scénario pédagogique, de type itératif, comporte trois étapes:
1. Construction
  Les étudiant-e-s sont amenés à visionner une ou plusieurs séquences de séries télévisées préalablement sélectionnées. Lors d’échanges en classe, ils doivent ensuite restituer leurs interprétations. Les séries utilisées sont en rapport soit avec la discipline (p. ex. « Profilage »), soit avec le rôle dévolu à un criminologue (p. ex. « Esprits criminels »), soit avec un milieu propre aux pratiques criminologiques (p. ex. « sur écoute » pour le milieu policier, « Oz » pour le milieu carcéral).
2. Déconstruction
  Les étudiant-e-s sont invités à visionner les mêmes séquences, mais cette fois avec l’aide d’une grille de lecture destinée à les orienter dans leur analyse personnelle du matériel. Ces grilles de lecture ne sont pas conçues de manière fermée: elles ont pour objectif d’accompagner les étudiant-e-s dans leur interprétation du matériel télévisuel tout en leur laissant le loisir d’aborder d’autres dimensions. Ces grilles peuvent contenir des suggestions (p. ex. être attentif à tel événement, effet de lumière, musique, etc.), des questions destinées à structurer leur analyse ou relayer d’autres supports (extraits de textes liés à la séquence, visite sur le terrain).
3. Co-reconstruction
  Les étudiant-e-s sont finalement amenés à partager leurs analyses en classe et dans des forums de confrontations constructives. Des spécialistes de terrain, anciens étudiant-e-s ou chercheurs participent à ces forums. Il est ainsi possible de confronter leur lecture de la séquence à celle des étudiant-e-s. Ce retour collectif permet de nuancer, comparer et compléter les différentes sources de savoir ainsi que les diverses représentations et perceptions. Le tout est supervisé par l’enseignant-e du cours.

APPORT PEDAGOGIQUE DES TECHNOLOGIES

Pour les étudiant-e-s, la principale plus-value est de rentrer dans un cycle de pratique réflexive et ainsi de prendre une certaine distance par rapport à la matière et sa représentation au sein du grand public. En effet, dans un contexte de demande croissante en sécurité régulièrement alimenté de discours médiatiques et politiques tous azimuts sur le crime et la victimisation, il est important que les diplômés en criminologie puissent offrir des pistes de compréhension de ces phénomènes qui soient dépassionnées et basées sur des données probantes. En s’intéressant au contexte de production des savoirs sur le crime, et en déconstruisant les malentendus l’entourant, ce projet ambitionne de faire des étudiant-e-s des interlocuteurs réflexifs sur les moyens dont nos sociétés se dotent pour répondre au crime et à ses diverses manifestations.
Ce projet amène aussi une plus-value en terme de contact direct entre les étudiant-e-s et des professionnels du terrain.