Militantismes au Maroc

12 juillet 2011

Catégorie(s): Projets réalisés , Pratique réflexive, Transfert des compétences

REFERENCES DU PROJET

Faculté: SSP
Année: 2009
Personne(s) de contact: Mounia Bennani-Chraibi (Cheffe de projet) Olivier Filleule (Chef de projet)
Répondant: Mariana Vieira (Ingénieure pédagogique SSP), +41 21 692 67 40

CC-BY 2.0 by Magharebia

PRESENTATION DU PROJET

Suite à l’évaluation du Bachelor et du Master en science politique, par les étudiant-e-s, il s’agit d’expérimenter une formule de stage, en vue de revaloriser le Master généraliste de recherche.

Ce projet s’inscrit dans le cadre du séminaire annuel « Sociologie des mobilisations en Afrique du Nord et au Moyen-Orient » (MA Science politique), également fréquenté par des étudiant-e-s en sciences sociales. En 2008-2009, il est construit autour d’une perspective théorique, la sociologie du militantisme, d’un lieu, le Maroc, et d’un stage de terrain collectif d’une semaine, qui se déroulera à Casablanca, fin mars 2009, en partenariat avec l’Université de Casablanca. Quarante étudiant-e-s seront concernés (25 à Lausanne, 15 à Casablanca).

L’objectif est de procéder collectivement à la production d’une recherche de ses tâtonnements à son couronnement par une publication, un film, une exposition de photos, et un mini-colloque. D’une part, les étudiant-e-s seront accompagnés tout au long du processus, et notamment sur le terrain, où ils bénéficieront d’un encadrement intense. Ils expérimenteront plusieurs méthodes de recherche (entretien qualitatif, observation), produiront plusieurs matériaux (entretiens enregistrés, carnets de terrain, film, photos), articuleront différents savoirs de manière à dégager la cohérence d’ensemble de notre projet pédagogique. D’autre part, ils apprendront à travailler ensemble : étudiant-e-s et enseignant-e-s, université du « Nord » et université du « Sud ». Ils pourront ainsi participer à briser plusieurs cloisons : entre méthodes de recherche ; entre cours « théoriques » et de méthodes ; entre campus et terrain ; entre « Nord » et « Sud », aussi bien en faisant voyager les concepts, qu’en collaborant avec un univers académique différent.

Cette expérience pourrait être intégrée dans le cursus de science politique après réflexion collective, mais aussi se transmettre via la réalisation d’une publication, d’un film, d’une exposition de photo, d’une page web.

FICHE PEDAGOGIQUE

POINT DE DEPART
Une certaine lassitude des étudiant-e-s est perceptible par rapport à leur (fausse) perception du Master, assimilé à un simple appendice du Bachelor, avec des enseignements qui, à première vue, leur semblent trop souvent redondants en termes de transmission de connaissances et de mode de fonctionnement, comparativement à ce qu’ils ont déjà vécu. Poursuivre des études dans le cadre d’un Master généraliste est trop souvent associé à un « enfermement » dans un cadre universitaire éloigné de la « vraie vie », du « monde professionnel ».
Au prolongement de cette vision, des étudiant-e-s envisagent le stage professionnel comme une panacée. Dès lors, la qualité d’un Master est jugée à l’aune de sa dimension «professionnalisante», elle-même mesurée en fonction de la place et du poids accordés au «stage professionnalisant» au sein de la formation. Sur un autre plan, les étudiant-e-s, notamment ceux du Master, se plaignent parfois du poids des enseignements méthodologiques dans leur cursus. En parallèle avec la réflexion menée au sein de la Commission d’enseignement, il s’agit moins de prendre acte – de manière automatique et de façon quasi-populiste – des désirs exprimés par les étudiant-e-s, que de les entendre en proposant une formule davantage en phase avec notre projet pédagogique.
D’une part, le « stage de terrain » à l’échelle d’un cours-séminaire est bien particulier ; il permet d’accompagner les étudiant-e-s en dehors des murs du campus universitaire et de poursuivre leur formation par un encadrement in situ, par des échanges intenses entre encadrant-e-s et étudiant-e-s. D’autre part, il est conçu de manière à articuler dans un même projet collectif les différents savoirs acquis dans les salles de cours et de bibliothèque ; il est ainsi destiné à rendre visible la synergie qui existe entre les « cours de méthode » et les autres enseignements, de manière à mieux expliciter le caractère primordial de la construction d’une recherche, de la maîtrise de ses fondements méthodologiques.
En menant une recherche, collectivement, d’un bout à l’autre de la chaîne, de la construction de l’objet, du choix des méthodologies, à l’enquête, puis au traitement des données, à la production d’un écrit et à sa présentation orale dans un mini-colloque, les étudiant-e-s pourront effectivement être initié-e-s à la recherche.
Objectifs :
- Appréhender l’univers étudié autrement qu’à travers la littérature académique et l’expérience de terrain de l’enseignant-e. Voyager directement et être amené à accomplir sa propre expérience de terrain, tout en bénéficiant d’un encadrement.
- Briser des cloisons de fait :
  - sur le plan théorique, en décloisonnant les études sur les area studies, en faisant voyager les concepts (d’où la collaboration entre des sociologues du politique travaillant sur des terrains différents)
  - en travaillant ensemble : étudiant-e-s et enseignant-e-s, université du « Nord » et université du « Sud ».

SOLUTION ET CONCEPTION DE LA SEQUENCE
Premier semestre
En amont, à Lausanne, les étudiant-e-s du Master en science politique suivent dans le tronc commun des enseignements de méthodologies qualitatives, quantitatives au cours du premier semestre, et d’épistémologie pendant le second semestre. Dans le cadre du cours/séminaire annualisé de « Sociologie des mobilisations en Afrique du Nord et du Moyen-Orient » assuré par Mounia Bennani-Chraïbi, le premier semestre dote les étudiant-e-s d’outils théoriques de la sociologie des mobilisations et celle du militantisme, appliqués à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Un thème et un terrain en particulier ont été choisis pour l’année 2008-2009 : « Les militantismes au Maroc ». Les étudiant-e-s bénéficient, d’une part, de cours généraux et de conférences effectuées par des invité-e-s. Par ailleurs, ils doivent effectuer des lectures et discuter des textes de deux natures: contributions théoriques sur la sociologie de la mobilisation et du militantisme ; études permettant également de se familiariser avec le terrain marocain.
Le deuxième semestre
Subdivisé en quatre séquences centrées sur le stage collectif de terrain, le fil rouge choisi, les militantismes au Maroc, présente l’avantage de s’inscrire dans une perspective théorique précise tout en autorisant une approche comparative : les étudiant-e-s mènent des entretiens avec des militant-e-s syndicaux, partisans appartenant à des familles politiques différentes (de gauche, d’extrême-gauche, islamistes, etc.), ou des militant-e-s associatifs agissant dans des domaines variés (droits humains, droits des femmes, droits culturels, lutte contre la corruption, lutte contre le sida, diplômés au chômage, etc.).
1) Première séquence : une séance de retour sur les lectures de vacances et une conférence
2) Deuxième séquence : quatre séances de préparation du terrain
- dégager des sous-thèmes et des groupes autour de plusieurs types de militantisme
- construire une grille d’entretien commune très souple
- construire des thématiques pour deux focus groups
- repérage des militant-e-s en relation avec nos partenaires de l’Université de Casablanca et programmation des rendez-vous
3) Troisième séquence : une semaine sur le terrain entre Casablanca et Rabat (desservies par une navette ferroviaire, trajet de 50 minutes). Ces deux capitales économique et politique concentrent la plus haute densité de militant-e-s du royaume, pour une grande partie d’entre eux francophones. L’expérience fait l’objet de photos et d’un film qui constituent un matériau important à côté des entretiens enregistrés et des carnets de terrain où les étudiant-e-s notent régulièrement leurs observations.
- Une journée de formation, visant une « mise à niveau », commune aux étudiant-e-s Lausannois et Casablancais avec des interventions des enseignant-e-s (qui participent à la mise en œuvre et à l’encadrement du stage), tant sur des dimensions méthodologiques que théoriques.
- Terrain intensif quotidien : entretiens qualitatifs, accompagnement du ou de la militant-e dans ses activités (après accord de celui-ci ou de celle-ci), réalisés par des binômes (de préférence un-e étudiant-e Lausannois, un-e étudiant-e Casablancais-e), supervisés par un-e enseignant-e ou un-e assistant-e.
- Tous les soirs, séance collective, pour un retour sur la journée d’enquête : réflexion sur les difficultés rencontrées, analyse d’extraits de carnets de terrain, etc.
- Organisation d’un à deux focus groups autour de thématiques qui sont dégagées pendant la deuxième séquence.
4) Quatrième séquence: retour des étudiant-e-s Lausannois à l’UNIL : six séances d’analyse des données recueillies.
Le travail en binôme doit néanmoins continuer via des échanges électroniques et via Skype, de manière à produire un texte commun.
Début du troisième semestre
Organisation d’un mini-colloque à Lausanne. Cette fois-ci, ce sont les étudiant-e-s Lausannois-es qui accueillent les Casablancais. Les résultats de l’enquête commune sont présentés et discutés de manière à procéder à une publication collective. Un film est réalisé par les étudiant-e-s tout au long de cette expérience. Ce matériau permet, d’une part, de revenir sur des séquences de manière à les discuter rétrospectivement et, d’autre part, de transmettre notre expérience en vue d’une accumulation. Les photos font l’objet d’une exposition en même temps que le mini-colloque.

APPORT PEDAGOGIQUE DES TECHNOLOGIES

L’objectif consiste à faire voyager les étudiant-e-s directement, à les amener à accomplir leur propre expérience de terrain, tout en bénéficiant d’un encadrement.
Plus globalement, cette formule de stage de terrain constitue une voie pédagogique particulièrement efficace. Les étudiant-e-s expérimentent le travail collectif et l’échange permanent à une autre échelle et à plusieurs niveaux (avec les encadrant-e-s, entre étudiant-e-s, entre personnes appartenant à des univers académiques différents). Enfin, la portée méthodologique du projet dépasse largement le cadre du cours thématique en apprenant aux étudiant-e-s, en actes, ce qu’est la recherche.