LabPrev – Laboratoire de prévention de la criminalité appliquée

11 juillet 2013

Catégorie(s): Projets réalisés , Autonomie, Pratique réflexive, Transfert des compétences

REFERENCES DU PROJET

Faculté: FDCA
Année: 2011
Personne(s) de contact: Manon Jendly (Cheffe de projet)
Répondant: Romain Voisard (Ingénieur pédagogique ESC), +41 21 692 4647

CC-BY 2.0 by Aurelien Guichard, original

PRESENTATION DU PROJET

La prévention de la criminalité constitue en Suisse un champ de recherches et de travaux pratiques encore peu défriché. Les questions de criminalité, de victimisation et d’insécurité sont omniprésentes dans les débats politiques et sociaux mais ce sont les stratégies et mesures pénales qui demeurent au centre de l’attention, tour à tour louées ou décriées. Il n’empêche, la prévention de la criminalité gagne progressivement du terrain. Elle est ainsi par exemple érigée en priorité dans certains agendas gouvernementaux, notamment au Canada et dans les pays scandinaves. Elle suscite également des vocations, tel qu’en atteste le développement de nouvelles pratiques professionnelles en la matière, par exemple les correspondants de nuit, les ilotiers et autres gatekeeper.

La prévention des phénomènes criminels et déviants se révèle donc riche de promesses. A tel point que certains auteurs parlent d’un « tournant préventif » en analysant l’avènement récent, en Occident, de politiques et pratiques à visée préventive. Ce projet s’inscrit précisément dans ce contexte. Il consiste en un « laboratoire de prévention de la criminalité appliquée » (ci-après LabPrev). Ce laboratoire a pour objectif de familiariser les étudiants aux étapes clés d’un projet de prévention de la criminalité en les amenant à confronter et appliquer leurs connaissances théoriques à un cas concret, soumis par un partenaire externe. Le LabPrev s’articule autour de trois dimensions prépondérantes: l’interdisciplinarité, l’interactivité et la mise en situation professionnelle. Son approche pédagogique repose sur l’apprentissage par projets de type expérientiel, qui implique une relation directe avec la réalité étudiée, afin de sensibiliser les étudiants aux exigences du terrain, développer leurs liens avec les milieux de la pratique et renforcer in fine leur employabilité.

FICHE PEDAGOGIQUE

POINT DE DEPART
Le cours de prévention de la criminalité est un cours obligatoire pour les étudiants de première année du programme de Master en criminologie et sécurité de l’Institut de criminologie et de droit pénal (ICDP) de l’Ecole des sciences criminelles (ESC). À l’origine, ce programme a été conçu comme une formation dédiée essentiellement à de futurs chercheurs. Le programme connait un succès grandissant et les étudiants, au bénéfice le plus souvent d’une formation en psychologie, en droit ou en sociologie, se destinent désormais majoritairement aux milieux de la pratique. La question se pose donc de mieux les préparer aux spécificités des secteurs d’intervention susceptibles de les accueillir en vertu de leurs connaissances criminologiques en général, et préventives en particulier. Dans cette optique, le LabPrev répond à une nécessité de former les étudiants aux besoins et enjeux concrets de leurs futurs secteurs d’intervention.
Il poursuit quatre intentions pédagogiques spécifiques :
- Familiariser les étudiants à l’action préventive et les outils susceptibles de la soutenir
- Eprouver leurs connaissances théoriques en prévention à l’épreuve d’un cas concret
- Leur apprendre à travailler en groupe
- Encourager leur réflexion critique sur quelques enjeux inhérents à la pratique préventive

SOLUTION ET CONCEPTION DE LA SEQUENCE
Le scénario pédagogique repose sur l’étude de cas développé en partenariat avec des organismes responsables de la prévention de la criminalité dans la société. Concrètement, un partenaire externe à l’ESC mandate les étudiants pour analyser une problématique à laquelle il est confronté et proposer des actions préventives susceptibles d’être mises en œuvre pour éviter qu’elle ne se répète et/ou en réduire sa gravité. Divisés en groupes, les étudiants sont amenés à procéder eux-mêmes aux principales étapes présidant à l’élaboration d’une démarche préventive, à savoir :
1. Diagnostiquer la problématique soumise (état des lieux)
2. Recenser en Suisse et à l’étranger des actions susceptibles de la prévenir ou d’en réduire la gravité
3. Identifier les mesures qui pourraient être les plus prometteuses eu égard aux spécificités du contexte (transférabilité) et sur cette base formuler les recommandations à l’appui de leur éventuelle mise en œuvre.
Tout au long de l’accomplissement du mandat et dans une perspective praxéologique, les étudiants sont incités à adopter une posture réflexive tant sur leurs investigations que sur leurs interactions. Des séances de rétroaction sont ainsi prévues pour permettre à chacun de s’exprimer sur sa manière d’agir, sa perception du processus, sa collaboration avec les autres, ses stratégies d’adaptation aux obstacles rencontrés et sa relation avec les acteurs concernés. Ces séances sont partie intégrante du processus d’apprentissage des étudiants, amenés dès lors non seulement à acquérir des compétences pratiques, mais aussi une approche réflexive sur leurs actions.

Le partenariat envisagé se fait sur une base annuelle et est toujours fondé sur un cas réel. Le partenaire peut relever tant du secteur public – il peut par exemple s’agir d’une municipalité, d’un corps de police, ou d’un service de probation – que du secteur privé, à l’instar d’une association ou d’une organisation non-gouvernementale. L’essentiel étant que le partenaire œuvre dans le domaine de la prévention et qu’il constitue un employeur potentiel. Le cas soumis à l’attention des étudiants est différent chaque année, eu égard aux besoins du partenaire impliqué. Il peut porter par exemple sur un diagnostic local de sécurité, une analyse des nuisances liées à la prostitution dans l’espace public, ou encore une stratégie multisectorielle de prévention de la violence faite aux femmes. En 2011, le mandat a été soumis par la Division prévention de la criminalité de la Police cantonale vaudoise et a porté sur l’identification des actions préventives entreprises à l’égard des jeunes par les acteurs périphériques à la police (secteurs socio-éducatif, scolaire, judiciaire, sanitaire et transports publics). En 2012, le mandat a été soumis par la Prévention suisse de la criminalité et a consisté en l’établissement d’un en l’élaboration d’un plan de mesures détaillé en matière de prévention urbaine.

Ces projets ont nécessité l’intervention ponctuelle du partenaire-mandant, et en particulier :
- Au moment de la soumission du mandat, qui implique du partenaire qu’il présente aux étudiants la problématique et les caractéristiques locales qui lui sont liées
- A mi-parcours, qui implique des étudiants qu’ils exposent à leur mandant les premiers résultats de leur travail et à ce dernier de proposer le cas échéant des pistes d’ajustement
- Enfin à l’issue du processus qui s’achève sur la reddition des résultats finaux des recherches effectuées par les étudiants dans le cadre d’une session de présentation orale des actions préventives privilégiées dans le cas particulier et la remise d’un rapport écrit au mandant. Ce dernier confronte les étudiants sur les éléments du rapport qui lui semble devoir être étayés et/ou argumentés, échange sur les difficultés rencontrées et évalue au regard de son expérience professionnelle les recommandations qui lui ont été formulées.

APPORT PEDAGOGIQUE DES TECHNOLOGIES

Les étudiants peuvent très concrètement transférer leurs connaissances théoriques sur le terrain et éprouver d’eux-mêmes le fossé qui sépare parfois la science de la pratique. En ce sens, le LabPrev leur permet d’opérationnaliser leur bagage théorique. Ils sont en outre amenés à se doter des bons outils de diagnostic et les mettre en œuvre, organiser leur travail en équipe, confronter leurs idées avec leurs pairs et apprendre à les articuler de telle sorte à les délivrer de façon convaincante au professionnel qui les mandate. Le LabPrev contribue de la sorte au renforcement de leur sensibilité pratique et du sens donné à leur apprentissage de connaissances générales et abstraites. Plus ambitieusement, il peut susciter des vocations en prévention et constituer une passerelle d’employabilité.

CONSEILS

La présence de plusieurs groupes œuvrant simultanément sur un même terrain crée inévitablement des tensions inter- et intragroupes. Ces tensions peuvent heureusement être apaisées au cours des séances de rétroaction afin d’améliorer les conditions de travail dans les groupes qui ont rencontré des problèmes. Les étudiants sont évalués sur la base de deux rapports : un rapport analytique (évaluation collective par groupe), et un carnet de route, de type introspectif (évaluation individuelle). Une évaluation collective pose évidemment problème dans la mesure où l’investissement des membres du groupe est souvent inégal, d’où le sentiment d’injustice ressentis par certains étudiants. Ce sentiment est toutefois pondéré lors des séances de rétroaction, et grâce aux deux autres évaluations portant d’une part sur le carnet de bord et l’examen écrit qui ponctue la partie théorique.Ce laboratoire de prévention de la criminalité requiert un temps de travail conséquent pour les étudiants, d’où le souhait émis par plusieurs d’entre eux de voir le cours s’étendre sur deux semestres. D’autres étudiants estiment au contraire qu’une mise sous pression liée au manque de temps peut être bénéfique pour une future vie professionnelle qui demande souvent des délais relativement courts.
En termes de réinvestissement, s’agissant du site de l’UNIL, le LabPrev permet d’entretenir des liens étroits avec d’autres enseignements dispensés au sein de la Faculté, tels que les cours d’analyse criminelle, de modes amiables de résolution des conflits, ou encore de politique criminelle. Plus généralement, comme le projet repose sur une idée d’un transfert théorie-pratique, il peut tout à fait être repris dans toutes les Facultés de l’UNIL. A l’échelon cantonal, le projet pourrait intégrer une réflexion plus vaste sur la « gouvernance de la prévention » envisagée par les autorités gouvernementales et certaines institutions très impliquées dans ce domaine. A l’échelle supérieure, la Prévention suisse de la criminalité, promue par la Conférence des Chefs des Départements cantonaux de Justice et Police, se dit intéressée à publiciser ce projet auprès de ses principaux destinataires, tant privés que publics, car il s’inscrit parfaitement dans sa mission « d’encouragement à la collaboration avec les hautes écoles spécialisées et les universités qui ont intégré la prévention dans leur programme».